Par Gwénaëlle Suc and Abdoulaye Touré[1]
Les inégalités et inéquités liées au genre demeurent très fortes en Afrique Centrale. Par exemple, sur la période récente, environ 35 % des filles achèvent un cursus d’enseignement secondaire dans la région contre 45 % des garçons. De plus, les femmes gagnent en moyenne 30 % de moins que les hommes. Ces inéquités ont des conséquences importantes sur la croissance et sur le développement. Les études montrent qu’une augmentation de 1 % de l’indice d’inégalité de genre se traduit par une réduction de l’indice de développement humain de 0,75 %.
La budgétisation sensible au genre (BSG) peut contribuer à réduire ces inégalités et inéquités. La BSG est une initiative qui consiste à utiliser la politique budgétaire et les outils et pratiques de gestion des finances publiques pour promouvoir l’égalité des sexes et le développement des femmes.
Afritac Centre (AFC) a organisé récemment, en partenariat avec le Département des finances publiques du FMI (FAD) et l’ONU Femmes, un séminaire régional à Brazzaville pour sensibiliser à cette approche des représentants des ministères chargés du budget et de l’égalité femmes-hommes. Le séminaire a réuni plus de 40 participants venus de neuf pays (Burundi, Cameroun, Gabon, Guinée Équatoriale, République Centrafricaine, République du Congo, République Démocratique du Congo, Sao Tomé et Principe, Tchad) et des représentants de la Commission économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), de la société civile et des principaux bailleurs de la région. Cet événement était le premier organisé sur ce thème dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne. Le séminaire s’est inscrit dans le contexte de la réunion annuelle du forum des hauts fonctionnaires du budget des États d’Afritac Centre (FOHBAC).
L’ordre du jour du séminaire a mêlé des présentations, des exposés par les pays, des ateliers de travail et des discussions de groupes, qui ont souligné le lien entre les politiques publiques du genre et la BSG et ont sensibilisé les participants aux pratiques et outils actuels de la BSG. Les sujets traités ont porté sur les conventions internationales promouvant l’égalité des sexes et trouvant des exemples en Afrique Centrale, sur les indicateurs d’inégalités et d’inéquités de genre en Afrique Centrale, et sur les conséquences de l’inégalité entre les sexes pour le développement des pays. Les derniers travaux de recherche de FAD sur la budgétisation sensible au genre ont également été présentés, ainsi que les résultats de l’enquête menée par FAD sur les pratiques de budgétisation sensible au genre dans la région. L’enquête a révélé de manière générale une faible mise en œuvre de la BSG dans la région, bien que les pays aient tous adopté des stratégies pour réduire les inégalités de genre. La présentation des expériences de BSG au Maroc et en France ont souligné la nécessité d’un fort leadership du Ministère des finances, en lien avec le Ministère chargé de l’égalité femmes-hommes, et ont mis en évidence la manière dont les outils classiques de budgétisation peuvent être utilisés et adaptés à la BSG, et comment la budgétisation par programmes peut faciliter sa mise en œuvre.
Le séminaire a bénéficié d’une forte implication des participants qui ont préparé un plan d’actions en trois étapes pour mettre en œuvre la BSG : 1) garantir l’existence d’un cadre juridique adapté et préparer les outils de mise en œuvre et de pilotage de la BSG, 2) expérimenter la mise en œuvre de la BSG pour l’ensemble des phases du cycle budgétaire dans quelques ministères, 3) déployer la BSG dans tous les ministères. Le plan d’action a été validé en tant que résolution du FOHBAC, et les participants présenteront les réalisations de leurs pays lors de la prochaine édition du forum. Le passage programmé de tous les pays de la région au budget de programmes constitue une opportunité pour introduire la BSG et pour évoluer d’une budgétisation ignorant les problématiques de genre vers des pratiques sensibles au genre.
[1] Gwénaëlle Suc est économiste au Département des finances publiques du FMI, et Abdoulaye Touré est conseiller en gestion des finances publiques d’Afritac Centre.
Note : Les articles du PFM Blog du FMI ne doivent pas être considérés comme représentatifs des opinions du FMI. Les points de vue exprimés sont ceux des auteurs et ne reflètent pas forcément les politiques du FMI.