Les Banques du Mali s’impliquent pour la réussite du Compte unique du Trésor

Malings
Posté par Serge Ramangalahy, Benoit Taiclet, et Benoit Wiest
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Dans un récent post, Matthieu Sarda expliquait combien la mise en œuvre d’un compte unique du Trésor (CUT) était, pour les pays de l’Union Economique et monétaire de l’Ouest Africain (UEMOA), au cœur de la réforme de la gestion des finances publiques.  L’article de Matthieu était centré sur les réformes en cours au Niger. Ce nouveau post aborde maintenant le cas du Mali.

Pourquoi un CUT ?

Bref rappel pour commencer : L’opérationnalisation du CUT repose sur des arrangements bancaires permettant de centraliser la gestion de Trésorerie au sein d’un compte ouvert à la banque centrale, et d’optimiser ainsi les liquidités de l’Etat.  Grace au CUT, l’Etat connait le niveau de sa trésorerie au jour le jour, ce qui facilite l’élaboration des prévisions de trésorerie et la planification des emprunts. Par ailleurs, le CUT vise à garantir la continuité des opérations de l’Etat, à un cout optimal. Cette réforme fait partie intégrante des directives de l’UEMOA, adoptées en 2009 par le conseil des ministres de l’Union.

Cette réforme, aussi cruciale soit-elle, s’est révélée particulièrement difficile à mettre en œuvre dans l’UEMOA car, plus encore que d’autres réformes, celles touchant à la Trésorerie rencontrent de fortes résistances de la part des services gestionnaires qui se sentent « propriétaires », de leurs comptes en banques - d’où l’importance d’un portage politique et institutionnel au plus haut niveau.

Mise en œuvre du CUT : un partenariat international

Au Mali, ces réformes ont été pilotées au niveau du ministre des finances, avec l’appui constant, ces dix dernières années, du FMI grâce au financement des partenaires techniques et financiers (notamment la Belgique et le Japon). C’est ainsi qu’a eu lieu, du 12 au 14 mars 2019, à Bamako, un séminaire national au cours duquel 11 grandes banques, rejointes en avril, par trois autres banques de la place, ont signé un protocole pour la mise en œuvre opérationnelle du CUT.

Le compte unique n’est pas vraiment « unique ».

L’architecture retenue par les pays de l’UEMOA s’articule autour d’un compte pivot opéré par la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dans lequel se déversent les liquidités déposées dans d’autre comptes ou sous comptes ouverts à la BCEAO et dans les banques commerciales. Pour que ce système de vases communicants puisse être pleinement opérationnel, il importe de disposer d’interconnections avec le système interbancaire, et de mettre en place des protocoles avec les banques commerciales permettant le déversement des soldes des comptes satellites vers le compte pivot, tout en mettant à disposition des gestionnaires le montant nécessaire pour assurer la continuité des opérations financières. Cette architecture a été détaillée dans une note technique de FAD.

La mise en place du CUT, entre pragmatisme et persévérance

Les travaux au Mali ont commencé en 2009. Il a fallu tout d’abord recenser les nombreux comptes bancaires ouverts au nom de l’Etat et des entités publiques dans les banques de la place ; puis, conduire des stress tests pour évaluer l’impact de la centralisation des liquidités sur le système bancaire ; opérationnaliser le CUT à la BCEAO dans le cadre d’une convention avec la banque centrale ; adapter les systèmes d’information ; et convaincre, encore et toujours, les parties prenantes du bien-fondé de la réforme. Aujourd’hui l’ensemble des trésoriers ont un sous compte au sein du dispositif de CUT, sur lequel se déversent les recettes qui transitent par le réseau bancaire. Exceptions à la règle : les ressources propres des établissements publics et la plupart des projets sur financements extérieurs ne sont pas encore gérés à travers le CUT.

Les systèmes d’information : « colonne vertébrale » de la réforme

Le schéma directeur des systèmes d’information au Mali est particulièrement segmenté. Il a donc fallu articuler autour de l’application intégrée pour la comptabilité de l’Etat (AICE) d’autres systèmes d’information de dépenses, de recettes et bancaires. Ce dispositif permettra de disposer d’une information sincère et exhaustive, et de conduire les transactions de manière fluide et sécurisée, en temps réel. Les systèmes interbancaires en vigueur au sein de l’UEMOA (STAR et SICA) sont également mobilisés pour la réalisation des transactions sur le CUT. Ainsi, une nouvelle version de l’application (AICE 2) offrira prochainement les fonctionnalités permettant de gérer l’ensemble des opérations bancaires de l’Etat sur une fenêtre de gestion unique, quels que soit les montants et les canaux bancaires empruntés (banque centrale ou commerciales).

Une démarche inclusive et participative

La démarche adoptée par le Trésor est allée bien au-delà des seuls gestionnaires de trésorerie. Elle a impliqué toutes les directions du Ministère de l’Economie et des Finances (chaine de la dépense, et recettes) et, au-delà, 20 Etablissements Publics, la BCEAO et les banques commerciales. Enfin, la communication extérieure et institutionnelle a permis de donner plus de visibilité, de transparence et de redevabilité à la réforme. Ainsi, et sans surprise, le séminaire national a-t-il bénéficié d’une très large couverture médiatique (journal télévisé, presse écrite, internet) avant l’évènement et jusqu’à la clôture du séminaire.

[1] Serge Ramangalahy est un Conseiller resident du FMI en gestion des finances publiques au Mali et au Burkina Faso. Benoit Taiclet est un Economiste Senior et Benoit Wiest est un Econoniste au sein du département des finances publiques du FMI.

Note : Les articles du PFM Blog du FMI ne doivent pas être considérés comme représentatifs des opinions du FMI. Les points de vue exprimés sont ceux des auteurs et ne reflètent pas forcément les politiques du FMI.

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